
Des migrants essaient de monter à bord d'un "bateau-taxi" pour traverser la Manche le 19 septembre 2025 au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Deux fois plus de candidats au départ que de places sur le bateau: sur la plage de Gravelines (Nord), des dizaines d'exilés embarquent clandestinement pour l'Angleterre vendredi, quand Londres expulse laborieusement de premiers migrants en vertu d'un accord avec la France.
Il ne fait pas encore jour, mais un groupe d'une soixantaine de personnes venues d'Irak, du Soudan, d'Afghanistan ou encore du Vietnam a déjà tenté sa chance, entrant dans l'eau sous l'œil de journalistes notamment britanniques.
Ils attendent l'un de ces canots qui passent à quelques dizaines ou centaines de mètres des côtes pour récupérer des passagers en évitant les forces de l'ordre.
Pour diriger le manège, des passeurs, qui organisent ces périlleuses traversées moyennant des prix pouvant aller jusqu'à plusieurs milliers d'euros, agitent des lampes de poche et crient quelques ordres dans l'obscurité. Contrairement à certaines nuits, aucun policier n'est visible sur la plage vendredi.

Des migrants avancent dans l'eau pour essayer de monter à bord d'un "bateau-taxi" pour traverser la Manche le 19 septembre 2025 au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Au premier essai, un peu plus de la moitié des migrants parvient à grimper dans le bateau. Les autres font demi-tour vers les dunes, trempés et dépités, ne laissant derrière eux que quelques vestes ou chaussures sur la plage.
Le "bateau-taxi" est déjà bien rempli mais il n'en est qu'à son premier arrêt. Vers 6H30, alors qu'il commence à faire jour, un autre groupe d'une quarantaine de personnes, des hommes et des familles, dont des enfants en bas âge portés sur les épaules, s'avance dans l'eau un peu plus loin sur la plage. La moitié parvient à monter à bord.
Un troisième groupe de plus de vingt personnes sorti plus tard des dunes sous la centrale nucléaire n'aura aucun espoir d'embarquer dans le "bateau-taxi" qui poursuit sa route vers l'Angleterre.
Sur les plus de 150 personnes qui ont tenté la traversée vendredi matin à Gravelines à la faveur d'une fenêtre météo clémente, une soixantaine sera parvenue à prendre la mer, selon les observations de l'AFP.
- "Un pour un" -
Au total depuis le début de l'année, plus de 31.000 personnes sont arrivées clandestinement au Royaume-Uni via la Manche, un record.
Au moins 23 migrants sont décédés dans ces traversées en 2025, et trois sont toujours portés disparus depuis le 10 septembre.
Le corps d'un homme, un migrant d'une vingtaine d'années selon une source policière, a été retrouvé vendredi matin dans le port de Dunkerque, sans avoir pu être identifié pour l'heure.

Des migrants avancent dans l'eau pour essayer de monter à bord d'un "bateau-taxi" pour traverser la Manche le 19 septembre 2025 au large de la plage de Gravelines, dans le nord de la France ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Face à ces départs qui se multiplient, les expulsions peuvent sembler dérisoires.
Trois premiers étrangers en situation irrégulière ont été expulsés jeudi et vendredi par Londres dans le cadre d'un accord conclu en juillet entre Londres et Paris, et entré en vigueur début août.
L'accord prévoit l'expulsion vers la France de migrants arrivés à bord de canots clandestins au Royaume-Uni, en échange de l'entrée par la voie légale outre-Manche de migrants se trouvant en France, sur le principe du "un pour un".
Après un Indien expulsé jeudi, deux autres migrants, un Iranien et un Erythréen, ont été renvoyés vendredi, a indiqué le gouvernement britannique.
Au moins d'eux d'entre eux étaient arrivés au Royaume-Uni en août après avoir traversé la Manche au péril de leur vie.
Cet accord, très critiqué par les ONG, est prévu pour durer jusqu'en juin 2026.
Pour Serge Slama, professeur de droit spécialiste des migrations, cet accord "ne marchera pas car le moteur de l'immigration dépasse les questions politiques".
"Les personnes qui peuvent prétendre au statut de réfugié", car elles fuient des persécutions, "n'ont pas d'autre choix que d'utiliser les voies irrégulières pour demander l'asile, car les voies régulières ont été fermées", a-t-il souligné à l'AFP.
Jeudi, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, s'était félicité de l'expulsion du premier migrant, se disant déterminé à "intensifier le processus".
Le gouvernement travailliste, sous pression pour réduire l'immigration irrégulière face à la montée du parti d'extrême droite Reform UK, espère ainsi dissuader les traversées.
Depuis début août, le Royaume-Uni a commencé à placer en détention des migrants susceptibles d'être expulsés: ils étaient 92 détenus dans ce cadre en début de semaine selon le journal The Guardian.
Dans l'autre sens, de premiers migrants autorisés à venir au Royaume-Uni arriveront "dans les prochains jours" depuis la France, avait indiqué jeudi le Home Office.
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